Nikiforov : “J’ai hâte d’être en 2020 pour prendre ma revanche”

Publié le 27 November 2016

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Une semaine après avoir remporté les interclubs avec le Crossing Schaerbeek, Toma Nikiforov s’apprête à s’envoler pour Tokyo pour un stage intensif. Rencontre.

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Pour la première fois depuis Rio, le judoka bruxellois s’est confié sur ses premiers Jeux olympiques, sur son année 2016 et sur ses ambitions pour 2017.

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“Pendant quelques semaines, il ne fallait surtout pas me parler des Jeux de Rio car je devenais désagréable.” © Belga

Toma Nikiforov, comment vous sentez-vous trois mois après les Jeux olympiques ?

Rio reste une grosse déception. C’est certainement la plus grande désillusion de ma carrière jusqu’à présent. J’ai très mal vécu l’après-compétition. D’ailleurs, c’est la première fois que j’en parle ouvertement car j’évite toujours le sujet. Même mes proches savent qu’il ne faut pas m’en parler car je deviens désagréable. J’étais tellement frustré de passer à côté de ces Jeux…

Votre défaite au deuxième tour vous trotte-t-elle toujours en tête ?

Oui, ça reste toujours dans un coin de ma tête. j’ai fait ce qu’il ne fallait pas et c’est ce qui m’a coûté mes Jeux… C’est tout, il n’y a rien d’autre à dire.

 

Mon père m’a dit qu’il fallait aussi que je passe au-dessus de ma déception pour repartir de l’avant

 

Après votre superbe année 2015 (3e aux Mondiaux, 3e à l’Euro et 3e au Masters), tout le monde vous attendait au tournant : pensez-vous que la pression était trop forte ?

Je ressentais pas mal de pression sur mes épaules avant les Jeux, mais ce n’est pas ça qui m’a fait perdre. Mon entourage, mon entraîneur Damiano (Martinuzzi, NDLR) et le staff de la Fédération francophone ont tout fait pour que j’arrive à Rio dans les meilleures conditions, sans pression. Là-bas, j’étais calme et serein. Après, je mentirais si je disais que l’ambiance y était la même que pendant les autres compétitions. D’ailleurs, dès le premier combat, j’ai compris que l’enjeu était différent, que rien ne serait facile sur le tapis. Mais de là à dire que la pression était trop forte, je ne le pense pas.

On sent pas mal de regrets dans votre voix…

Honnêtement, je pense que j’avais ma place sur le podium olympique. C’est peut-être bien d’avoir pris de l’expérience mais il y avait la place pour prendre la médaille. Quand je vois que Lukas Krpalek (le champion olympique, NDLR) et Cyril Maret, deux judokas que j’ai déjà battus, terminent sur le podium, je nourris quelques regrets.

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Le Bruxellois laisse Rio derrière lui pour repartir sur de nouvelles bases. © Belga

Qu’avez-vous fait pour évacuer votre déception ?

J’ai pris des vacances dans la foulée des Jeux afin de me couper complètement du monde du judo. Les gens qui me croisaient m’en parlaient mais ils voyaient qu’il fallait très vite changer de sujet. Malgré tout, j’ai continé à m’entraîner en vacances au moins une fois par jour : j’ai fait de la musculation et des élastiques par exemple. Et puis, j’ai aussi fait un peu de judo pendant que j’étais en Bulgarie, mais c’était surtout pour mon plaisir. J’ai laissé de côté l’aspect tactique du sport pour me focaliser sur ce que j’adore faire quand je suis sur le tapis. Pour moi, c’était une façon de relâcher un peu la pression.

Aujourd’hui, avez-vous l’impression d’être reparti sur de nouvelles bases ?

Oui. Et ça, je le dois à mes proches notamment. Un jour, en voyant à quel point j’étais fâché sur moi-même et renfermé lorsqu’on évoquait le sujet, mon père est venu me voir pour me parler entre quatre yeux : il m’a dit qu’il comprenait que j’étais déçu mais qu’il fallait aussi que je passe au-dessus de ça, sans quoi je n’arriverai plus à avancer. Il avait raison : il fallait que je prenne le temps de digérer cette désillusion pour passer à autre chose et me focaliser sur de nouveaux objectifs.

Vous pensez déjà aux prochains Jeux olympiques ?

Dès la sortie du tapis, j’y pensais déjà. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai pleuré devant les caméras, car je me suis rendu compte qu’il me faudrait encore attendre quatre ans avant de pouvoir retenter ma chance aux Jeux. Mais je pense aussi que cette défaite au deuxième tour m’a peut-être rendu plus fort car j’ai encore plus la dalle qu’avant les Jeux et j’ai hâte d’être à Tokyo, en 2020, pour prendre ma revanche.

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“Ce que je souhaite surtout, c’est récupérer mon niveau d’avant et ne plus faire les mêmes erreurs qu’aux Jeux par exemple.” © Belga

Vous avez été opéré du canal carpien il y a deux mois. Comment s’est passé votre retout sur le tapis ?

C’était une opération très facile pour le chirurgien. Il fallait juste que je sois patient car ça guérit lentement. Aujourd’hui, ça fait trois semaines que j’ai repris l’entraînement et ça me fait beaucoup de bien.

Ce n’est pas trop difficile de se remettre dans le bain ?

Non. C’est même tout le contraire… Que ce soit à l’entraînement, pendant les randoris ou à la musculation, je me donne à fond. Je suis limite infatigable. A la fin des séances, j’en redemande même tellement ça m’a manqué. Bref, je fais tout pour récupérer mon niveau d’avant et je sens que ça revient petit à petit.

Vous avez d’ailleurs déjà repris la compétition lors des interclubs.

Je suis revenu sur les tapis avec une faim de loup. C’est notamment pour ça que j’ai pris part aux interclubs avec le Crossing Schaerbeek : j’en avais besoin pour ne pas péter un plomb. A vrai dire, j’étais même trop excité par ce retour en compétition. Je revois encore mon père me demander de me calmer après mon premier combat parce qu’il craignait que je fasse une connerie. Son conseil m’a été utile car j’ai abordé plus sereinement mes autres rencontres. Au final, même si je n’ai pas rencontré les meilleurs mondiaux dans ma catégorie, cette reprise m’a fait du bien car j’ai pu tester des choses que je fais un peu moins habituellement. Et puis, c’était important pour moi de m’aligner en interclubs car c’est aussi une façon de rendre à mon club et à mon entraîneur tout ce qu’ils m’ont donné et de faire plaisir aux gens qui me supportent ici, en Belgique.

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Sa finale perdue à l’Euro reste en travers de la gorge de Nikiforov. © Belga

L’année se termine peu à peu : quel bilan tirez-vous de 2016 ?

J’ai beau être devenu vice-champion d’Europe en avril, je ne suis pas très satisfait de moi dans l’ensemble.

Pourquoi ?

Tout d’abord, j’ai encore du mal à avaler la façon dont s’est déroulée la finale du championnat d’Europe… Me dire que j’ai perdu le titre à cause de mes crampes aux mains, ça m’énerve toujours autant. Ca me frustre encore un peu aujourd’hui. Et puis, pour le reste, je dois bien reconnaître que ça n’a pas été top puisque je n’ai pas été assez bon aux Jeux et que je suis passé à côté du Masters.

Difficile de confirmer après une superbe année 2015 ?

Cela prouve qu’une année n’est pas l’autre. Et je me rends compte que c’est encore plus vrai lorsqu’on compare une année pré-olympique où tous les judokas essayent de se placer et une année olympique où tout le monde est à son maximum. Après une saison comme celle-ci, on voit aussi que le judo est aussi un sport très particulier : contrairement au tennis par exemple, on se rend bien compte que ce ne sont pas toujours les favoris qui trustent les premières places des grands rendez-vous. La concurrence est tellement forte sur les tapis qu’il y a toujours des surprises.

 

Faire un podium à Paris pour ma reprise serait pas mal du tout

 

Êtes-vous déjà tourné vers 2017 ?

C’est clair. D’ailleurs, là je m’envole bientôt pour trois longues semaines de stage au Japon où je serai accompagné par Damiano. Ce sera ma première sortie internationale depuis les Jeux. Le programme sera chargé : je m’attends à vivre une fin d’année bien dure.

Il paraît que c’est toujours un peu spécial les voyages au Japon…

Oui, c’est vraiment une culture très différente de la nôtre. Autant j’adore m’y entraîner et enchaîner les entraînements et les randoris, autant j’avoue que j’ai un peu de mal avec leur nourriture par exemple. La vie sur place ne me correspond pas vraiment. Mais bon, je ne m’arrête pas à ça heureusement… Là, je suis impatient d’y être pour voir quelles seront mes sensations lorsque je travaillerai avec d’autres gars de la catégorie (-100 kg).

Et la suite ?

Normalement, je devrais participer au Grand Chelem de Paris, au début du mois de février. L’objectif ? Disons qu’y faire un podium pour ma reprise serait pas mal du tout. Ce que je souhaite surtout d’ici là, c’est récupérer mon niveau d’avant et ne plus faire les mêmes erreurs qu’aux Jeux par exemple. Pour l’Euro et les autres grands rendez-vous de 2017, on verra par après.

© Alan MARCHAL

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