Heylen : “Ne surtout pas trop se focaliser sur les Jeux”

Publié le 2 August 2016

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Absente des Jeux de Rio, Ilse Heylen, fraîchement retraitée, connaît toute l’importance d’une participation et d’une médaille olympiques.

© EdA - Alan MARCHAL

Heylen connaît bien l’importance des Jeux olympiques dans la carrière d’un judoka. © EdA – Alan MARCHAL

Vendredi 13 mai 2016. En compétition à Almaty (Kazakhstan) afin de confirmer sa qualification pour Rio, Ilse Heylen se fait subtiliser le dernier ticket européen pour les JO par la Suissesse Evelyne Tschopp. À 39 ans, la judoka anversoise, médaillée de bronze à Athènes en 2004, voit s’envoler ses quatrièmes Jeux consécutifs et met un terme à sa carrière internationale. «Ce jour-là, je me suis sentie vidée, perdue. J’étais un zombie. Pour moi, Rio était l’occasion de boucler la boucle.» Histoire de terminer là où tout avait commencé, sur les tapis olympiques qui ont bouleversé sa carrière et son quotidien. Rencontre.

Ilse Heylen, comment appréhendez-vous les Jeux olympiques après votre déconvenue d’Almaty?

Je suis forcément déçue de ne pas y être mais j’essaye de relativiser. Avec le recul, bien que j’aurais préféré aller à Rio, je suis assez fière de ce que j’ai accompli dans ma carrière et je ne veux pas nourrir trop de regrets par rapport à cet événement.

Vous avez participé à trois Olympiades (2004, 2008 et 2012). Quels souvenirs en gardez-vous?

Les Jeux ont marqué ma carrière. Ma médaille à Athènes m’a fait connaître auprès du grand public. Ensuite, il y a eu Pékin, dont je garde un souvenir plus mitigé en raison d’une douleur à l’épaule. Enfin, il y a Londres où j’ai vécu un des plus grands regrets de ma carrière en loupant le podium pour un rien. À chaque fois, les Jeux ont coïncidé avec des moments forts de ma carrière, sportivement et émotionnellement. Et puis, il y a toute cette ambiance autour de la compétition…

Pourquoi les JO sont-ils si importants aux yeux des athlètes?

Parce que les plus grands sportifs de la planète s’y retrouvent et que chaque compétition s’assimile à un championnat du monde. Réunir tous ces athlètes durant une seule quinzaine, c’est juste incroyable. Et puis, les Jeux cassent la routine de chacun car on rencontre des gens qu’on ne voit quasiment jamais. Tous les quatre ans, on se rend compte à quel point tous les sports sont durs et nécessitent une préparation minutieuse.

La pression est aussi plus forte…

Excepté les footballeurs ou les basketteurs peut-être, c’est vrai que la plupart des athlètes qui participent aux Jeux olympiques ne sont pas habitués à être au centre de tant d’attentions médiatiques. On est très sollicité par la presse avant de se rendre aux Jeux, ce qui n’est pas toujours le cas durant la saison régulière. Et puis, il y a toute une série d’autres obligations à respecter: essayer les vêtements pour la cérémonie d’ouverture, répondre aux convocations du COIB… C’est tout cela qui nous fait nous rendre compte qu’on approche d’un événement très spécial.

“Van Snick et Van Acker sous pression”

En près de 20 ans de carrière, Ilse Heylen en a géré des situations de stress. A commencer par Pékin, en 2008.

© Belga

Van Snick fait partie des favorites pour une médaille belge. © Belga

À l’époque, bien que blessée à l’épaule, la judoka anversoise est considérée comme une des principales chances de médailles belges. “Tous les médias venaient vers moi car j’avais déjà fait un résultat à Athènes, se souvient-elle. C’était parfois très difficile à gérer car je sentais que tout le monde comptait sur moi pour faire aussi bien qu’en 2004.”

Cette pression, c’est aujourd’hui Charline Van Snick et Evi Van Acker qui la connaissent. “L’histoire se répète, note Ilse Heylen. C’est logique de compter sur elles mais je ne suis pas certaine qu’on leur rend service en les citant constamment comme principales chances de médailles à Rio. Ce n’est jamais bon d’être trop nerveux avant une grande compétition. Déjà que ce n’est pas évident de remporter une deuxième médaille aux JO…” Un conseil? “C’est à Charline et Evi de trouver leur équilibre. Pour ma part, la seule chose que j’avais trouvée pour me débarrasser de cette pression supplémentaire, c’était de la rejeter sur Olivier (NDLR: Berghmans, son mari et son coach). Il était là pour m’écouter quand j’en avais besoin et me protéger en quelque sorte. Après, il n’est pas faux de dire que ce ne sont pas les seules chances de médailles belges : il y a aussi Toma Nikiforov, Philipp Milanov et nos taekwendoïstes.”

Sur place aussi, on est un peu bousculé dans nos habitudes lors de nos premiers Jeux. Par exemple, je me souviens avoir été marquée par tout le protocole qui entoure la remise des médailles. En plus des hymnes et des photos habituelles, j’ai dû faire un tour d’honneur sur le tapis et répondre aux questions des journalistes pendant plusieurs heures. C’est dans ces détails, dans la façon dont on est médiatisé, qu’on comprend que les Jeux sont spéciaux, que ça n’a rien à voir avec un tournoi normal.

Est-ce qu’on se prépare différemment pour les Jeux?

Il faut essayer de garder ses habitudes, peu importe qu’il s’agisse des Jeux, d’un championnat d’Europe ou d’une plus petite compétition. La pression de l’événement est déjà tellement grande qu’on doit éviter de s’en rajouter inutilement. Parce que c’est alors la meilleure façon de passer à côté de son sujet.

© EdA - Alan MARCHAL

Heylen et son mari comptent bien rester dans le monde du judo. © EdA – Alan MARCHAL

Est-ce que votre médaille à Athènes a changé votre vie?

Un peu, oui. Je suis restée deux semaines à Athènes avant de rentrer en Belgique. En fait, ce n’est qu’à Zaventem, en voyant la foule qui m’attendait et les médias présents, que j’ai pris conscience de ce que j’avais accompli. C’est dans des moments pareils qu’on commence à profiter pleinement de sa médaille.

Après, c’est surtout mon caractère qui a vraiment changé. Avant ça, j’étais quelqu’un de timide, assez renfermée. Après ma 3e place, j’ai changé car les gens venaient me voir pour m’interviewer ou me féliciter. Même si j’étais gênée au début, j’ai vite compris que c’était nécessaire d’être plus ouverte.

Et d’un point de vue financier?

Alors là, pas du tout! On a bien essayé de capitaliser sur cette médaille mais ça n’a pas intéressé les sponsors. Malgré le fait que ce soit un des sports olympiques par excellence, le judo est trop peu médiatisé pendant le reste de la saison.

Un carrière “unique”

De son propre aveu, Ilse Heylen, retraitée depuis quelques semaines à peine, est “une exception” dans le monde du judo. “Prendre sa retraite à 39 ans est quelque chose d’assez unique, remarque l’Anversoise. Continuer de performer au plus haut niveau comme je l’ai fait me rend fière. Je pense que je dois ma longévité à ma passion pour le judo et à ma capacité à m’entraîner intelligemment, en prenant en compte mon âge notamment.”

Modeste et prudente en toutes circonstances, la championne d’Europe 2005 possède le palmarès le plus prolifique du judo belge. “Avec mes 52 médailles internationales, je détiens un record qui sera difficile à aller chercher, estime Ilse Heylen, dont le seul regret est de ne pas s’être qualifiée pour Rio. Décrocher plus de podiums qu’Ulla Werbrouck ou Gella Vandecaveye, deux de mes idoles, c’est juste impensable. Aujourd’hui, je suis à leur place: je suis devenue l’idole de certains judokas. Et ça, c’est à la fois très particulier à vivre mais c’est aussi très valorisant.”

© Alan MARCHAL

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