Nikiforov: “Je ne suis plus seulement le jeune fou qui monte”

Publié le 31 May 2015

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Son podium aux Masters de Rabat, l’importance de son entourage, ses ambitions pour l’Euro de Bakou,… Présent mardi pour la pose de la première pierre du futur dojo fédéral, à Louvain-la-Neuve, Toma Nikiforov est revenu en long et en large sur son actualité.

C’est un Toma Nikiforov tout sourire qui s’est présenté devant les autorités wallonnes et l’ensemble du judo francophone ce mardi. Et pour cause, le judoka bruxellois, en bronze aux Masters de Rabat, venait sans doute de décrocher le plus beau des résultats de sa jeune carrière internationale. De là à se reposer sur ses lauriers, il y a un pas qu’il n’est pas prêt de franchir.

© Zahonyi (IJF)

Nikiforov ne veut pas se contenter de l’argent aux prochains Mondiaux comme le supposait le ministre Collin : “Je veux l’or, toujours !” © Zahonyi (IJF)

Alors Toma, comment vous sentez-vous après ce podium acquis à Rabat ?

Je suis super content évidemment. Décrocher le bronze dans un tel événement est une grande fierté. C’est un moment important dans ma carrière.

A quel point cette médaille est-elle si importante ?

D’un point de vue purement sportif, c’était déjà un sacré challenge de s’aligner dans une compétition où seuls les meilleurs sont invités. De savoir que je suis parvenu à surprendre des adversaires d’un aussi haut niveau, c’est une grosse satisfaction.

Si je suis si content en finale, c’est parce que je sais ce que cette médaille représente sur la scène mondiale. Et puis, c’est ma façon de prouver que j’avais bien ma place dans cette compétition.

Vous aviez peur de ne pas être légitime à Rabat ?

Oui et non. Je savais que j’avais le niveau pour aller loin dans le tournoi mais le fait que j’ai été repêché m’a un peu froissé. Ça ne me convenait pas d’être la roue de secours. Au moins, avec cette médaille de bronze, j’ai montré que je méritais ma place au Maroc.

C’est aussi une belle revanche par rapport à Martin Pacek qui vous avait battu aux Mondiaux de Chelyabinsk.

Je voulais vraiment le battre en petite finale. Pas seulement pour monter sur le podium, même si c’est toujours l’objectif… Non, je voulais le battre pour lui mettre un coup au moral, lui montrer que ma défaite en Russie était déjà très loin dans mon esprit. En plus, ça a fait plaisir aux autres judokas de la catégorie car Pacek n’est pas un judoka très correct : il manque de respect à pas mal de monde. Bref, ce dernier combat m’a permis d’évacuer pas mal de choses.

© Zahonyi (IJF)

Sa victoire sur le Suédois Pacek a été largement applaudie par le public marocain. © Zahonyi (IJF)

Vous avez l’impression que ce résultat change le regard que portent vos concurrents sur vous ?

Avant les Masters, ils étaient encore quelques-uns à me regarder de haut, en se disant sans doute que je n’avais pas ma place parmi eux. Mais en descendant du podium, dans la salle d’échauffement, j’ai tout de suite senti que le regard de la plupart de ces personnes changeait. Il y a un peu de haine mais aussi de l’envie dans leur regard. Pour eux, je pense que je ne suis plus seulement le petit jeune fou qui monte : je suis devenu un gars dont il faudra toujours se méfier. Mais bon, je ne cherche pas non plus à les impressionner à tout prix… Ce que je veux, c’est aller le plus loin possible et être le meilleur au monde.

Aucun judoka ne vous intimide alors, pas même Haga Ryunosuke, le Japonais qui vous a battu deux fois en début de saison ?

Je n’ai peur de personne. Et en ce qui concerne le Japonais, je l’attends de pied ferme. Rien qu’en y repensant, ça me met les nerfs de me dire que je me suis incliné deux fois de suite face à lui. D’ailleurs, peu importe que ce soit lui ou un autre mec, ça m’énerve de perdre plusieurs fois contre un judoka.

Dans le cas de Ryunosuke, je perds lors d’une belle finale à Rome et, une semaine plus tard, il l’emporte seulement aux pénalités avant de jeter tout le monde sur ippon et de gagner le tournoi de Düsseldorf. C’est frustrant parce que je me dis que j’ai fait jeu égal avec celui qui a surclassé tous les autres judokas de la catégorie. Mais bon, c’est comme ça… C’est du passé. Désormais, j’attends juste notre prochaine rencontre qui ne devrait pas trop tarder, selon moi. Mais là encore, je pense que son regard a changé sur moi depuis Rabat.

En tout cas, dans le public, votre cote de popularité monte de plus en plus.

Oui, c’est assez bizarre d’ailleurs quand on y pense. De plus en plus souvent maintenant, je reçois des messages de gens que je ne connais pas forcément qui me disent « On t’aime bien » ou « Tu es un exemple ». C’est étrange mais c’est comme ça.

Comment gèrez-vous ce nouveau statut ?

J’essaye de garder les pieds sur terre. Je me dis que le plus important n’est pas de faire du judo pour devenir une star. C’est seulement quand on prend ces compliments trop à cœur qu’on stresse et qu’on se loupe en compétition. Heureusement, ma famille et mes amis sont là pour ne pas que je m’emballe. Que ce soit mes parents, mon frère, mes proches, la fédération ou mes entraîneurs, tous parlent beaucoup avec moi. C’est d’ailleurs ces échanges réguliers avec tous ces gens qui a fait que j’ai pu atteindre le podium à Rabat.

C’est-à-dire ?

Comme j’ai dit, j’ai été qualifié pour les Masters en étant repêché à la place. Dans ma tête, je n’étais pas à 100% parce que je me posais trop de question sur ma présence dans le tournoi. Mais tout mon entourage m’a reboosté avant de partir. Ma maman par exemple a joué un rôle important : elle sentait que je courais après une grosse performance et que ça jouait sur mon mental. En me réconfortant, elle m’a permis d’évacuer ce stress. Si je finis troisième au Maroc, c’est aussi grâce à elle !

La relation que vous entretenez avec elle est différente de celle que tu as avec ton papa ?

Oui. Tous les deux jouent pleinement leur rôle sentimental, mais c’est sans doute plus vrai encore pour ma maman qui connaît moins le judo. Si mon papa va me donner des conseils sur ma façon de combattre, elle sera plus attentive à tout ce qui m’entoure. Les deux se complètent parfaitement.

Et maintenant, quel est votre prochain objectif ?

Pour moi, ce sera l’Euro de Bakou. On a décidé, avec mes entraîneurs, de laisser le tournoi de Budapest de côté.

Rabat était finalement la meilleure des préparations pour ces championnats d’Europe…

Je le pense. Maintenant, je vais arriver à Bakou avec beaucoup de confiance. Je suis encore plus crédible qu’avant. Et puis, j’ai prouvé que je pouvais venir à bout des meilleurs Européens, comme Maret. Je suis confiant : je veux l’or.

© Alan MARCHAL

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